La pratique ancestrale à laquelle je faisais référence, c’est le zazen, littéralement « méditation assise », un exercice spirituel très simple qui consiste à s’asseoir, mais qui selon moi, présente d’étranges similitudes avec la pratique du monocycle, à commencer par la posture… mais c’est peut-être une coïncidence.
Je m’explique :
Comme la pratique du monocycle, celle du zazen nécessite un apprentissage et si l’on recule devant la difficulté, il est alors difficile, voire impossible de progresser, bon, c’est également le cas de nombreuses disciplines. Comme dans la pratique du monocycle, il n’y a pas de stade final, on progresse toujours ! Comme dans le monocycle et à la différence de la plupart des autres créations artistiques qui sont le fruit d’une projection de nous-même dont on peut être satisfait ou insatisfait, le zazen est complet en lui-même : il n’est pas une excroissance de soi-même, mais un oubli de soi dans l’adéquation à l’ordre naturel de l’univers.
- S’asseoir est naturel :
Comme il est naturel de bouger, de rire, d’aimer, il l’est tout aussi de s’asseoir. Tranquilliser notre corps et notre esprit, approfondir notre respiration correspond à une partie de nous-même pour laquelle il est nécessaire de s’asseoir. Comme celle du monocycle, la pratique du zazen commence en donnant la possibilité à cette part de nous-mêmes de se réaliser ; nous découvrons ainsi une nouvelle dimension de notre vie, comme si une porte s’ouvrait sur un espace vivifiant, un espace frais et calme, plein de vitalité. Une fois que cet espace est solidement ancré en nous, on est comme le tigre qui retourne dans la forêt profonde ! C’est fondamental pour notre vie !
Le corps droit, l’esprit en paix, on adopte la posture avec les jambes relevées (croisées) et le dos droit. C’est la position la plus adéquate pour rester immobile, tranquille, pour pouvoir respirer librement et éviter la dispersion.
Comme le monocycle, le zazen est sans objet, c’est-à-dire que l’on ne concentre pas son esprit sur quelque chose de particulier, on ne réfléchit pas non plus, on ne cherche pas à voir ses pensées ni à les arrêter, ni à atteindre un état spécifique de la conscience.
On est juste assis, le corps faisant de son mieux pour conserver une posture correcte ; c’est très simple, mais également très profond et ça nous ouvre des dimensions plus vastes de notre vie.
En Inde, à l’époque du Bouddha, il y avait des freestylers , des personnes qui adoptaient des postures bizarres : en se tenant sur une seule jambe, en gardant un bras en l’air ou en se mettant une jambe derrière la tête. Aujourd’hui encore, on peut voir des Sâdhus indiens faire de même. Au début du christianisme, au Moyen-Orient, en Occident, les ascètes adopaient également des postures spéciales. Des moines du désert marchaient à quatre pattes, les stylites s’installaient en haut de colonnes, et des moines Irlandais se jetaient dans l’eau glacée avec les bras en croix.
Au VIᵉ siècle av. JC, Siddhārtha Gautama, dit « Shakyamuni » ou « le Bouddha » a pourtant rejeté toutes ces formes étranges parce que, disait-il :
« Elles ne remettent l’homme ni dans la paix, ni à l’aise ».
Aussi a-t-il enseigné de s’asseoir dans la posture droite, les jambes relevées / croisées. Et il explique pourquoi :
" C’est parce que quand vous maintenez votre corps droit, votre cœur, votre esprit s’ajustent aisément. Si votre corps se maintient tout droit dans la posture assise, aussitôt votre cœur n’est plus indolent."
Le mot cœur englobe ici l’esprit. Dans le cœur à l’intention juste, la pensée est suspendu et demeure au présent.
Si notre cœur se disperse (quand on part dans ses pensées), ou si notre corps bouge et s’incline, on le remet alors en place en nous concentrant. La concentration du zazen recueille alors les pensées parasites et elle nous aide à retrouver calme et sérénité.
- Nous sommes fondamentalement libres :
C’est nous-même qui sécrétons nos entraves par nos attachements aux objets et nos milliers d’opinions sur toutes choses.
- Continuer la pratique du monocycle !
Même quand la tempête se lève, notre assise reste immobile, parfaite, notre roue est ronde, en paix, large, parfaite, sans la moindre notion de demeurer ou de rompre…