Le kungsleden en monocycle

Arf … non, même pas à pied. Mais après cette première, ça me donne vraiment super envie de repartir !

C’est dommage pour ton projet, mais je suis sûr que ça se fera bientôt !

Singi, vendredi 13 août, 10h, jour 6 [photos]

Avant de partir ce matin, je passe voir une dernière fois les 3 Lyonnais pour les adieux. Cependant nous échangeons nos adresses pour garder contact. C’est parfois curieux les endroits où l’on fait de nouvelles connaissances.

Mais il ne faut pas que je traîne trop, il est déjà assez tard et la journée s’annonce longue : au programme une double étape, 14km jusqu’au premier refuge puis 9km jusqu’au second, mon objectif pour ce soir.
Les paysages sont comme d’habitude magnifiques et je peux observer pour la première fois de mon périple des eaux presque turquoises qui invitent à la baignade. Enfin disons jusqu’à ce qu’au moment où y plonge un pied, ensuite ça donne beaucoup moins envie…
Encore une journée où il est très difficile de trouver des sections à rouler. Après 10km de marche (entrecoupée de rares moments de monocycle) je profite d’un chemin pierreux mais pas trop technique pour faire du vrai muni. Malheureusement il ne faudra pas très longtemps pour que je paie ces délicieuses sensations d’une 3ème crevaison. Celle-ci étant lente, je décide de rejoindre en marchant le premier campement à 2km de là pour effectuer la réparation.

Je profite du terrain humide et boisé pour ramasser un grand sac de champignons (les même cèpes que la veille). En arrivant sur le campement, je reste bouche bée devant le panorama, la vue est tout simplement splendide ! Je me sens vraiment bien dans cet environnement, je resterai de longs moments perché sur un rocher surplombant le torrent, à simplement regarder ce mélange de couleurs.
Comme il est déjà plus de 16h, je décide d’écourter mon étape et de passer la nuit dans cette auberge. J’essaierai de rattraper mon retard demain en parcourant les 9km restants en plus de l’étape initialement prévue qui, par chance n’était que de 16km.
Sur un pannonceau en bois il est indiqué « beach » à 400m. En effet, une plage de gros sable longe sur une trentaine de mètres le torrent. J’y ferai ma toilette et ma lessive, mais faire quelques brasses dans cette eau à 6°C n’est pas au programme. Ce moment restera gravé dans ma mémoire comme une des plus belles (et des plus froides) douche que j’ai pu prendre.
La soirée est peu conviviale, les occupants sont venus majoritairement en famille. Pas de treckeur solitaire avec qui partager le récit de la journée. Mais de toutes façons, j’ai un programme chargé : la préparation de 3kg de champignons. Certains sont d’une taille impressionnante, plus grands que ma pompe de randonnée pointure 44 !
Après 2h d’épluchage et cuisson, le goût délicieux des champignons de la veille n’est cette fois pas au rendez-vous. Il faut dire que cuits à l’eau, sans beurre ni huile pour les faire revenir, j’avais assez peu de chance d’être satisfait. Tant pis, ça fera toujours des légumes et en accompagnement de riz ou de pâtes, ils sont malgré tout assez bons. Je les conserve dans un sac zip, ce kilo de champignons me durera un peu plus de 2 jours.
La réparation du mono, à l’extérieur de l’auberge, se révèlera être un calvaire, la faute aux moustiques et autres mouches par centaines. Ils sont tellement nombreux que je dois m’habiller entièrement, allant jusqu’à me couvrir la bouche et le front, mais malgré cela je dois chasser au moins toutes les 20 secondes ceux qui se posent sur mes cils ou sur mon nez, certains iront même jusqu’à tenter de me piquer par l’intérieur des narines …
Une fois l’opération terminée, je cours me réfugier dans l’auberge, équipée heureusement de moustiquaires très efficaces à toutes les fenêtres.

Je vais me coucher en essayant de passer une grosse nuit histoire d’être en pleine forme pour les 25 km (dont 3km sur une barque) qui m’attendent demain.
Dans la chambre, les 10 lits sont occupés, et les ronfleurs feront du zèle …

Rendu à la moitié du périple, et j’ai l’impression que sa devient une épreuve de survie. ^^
Magnifique photos et de superbe cours d’eau pour du raft avec ces bons rapides.

Encore et toujours aussi bon ce récit !

Magnifiques photos et bonne présentation !

Merci beaucoup et bonne chance pour la suite…

A+

Kaitumjaure, samedi 14 août, 8h, jour 7 [photos]

Malgré la surpopulation de la chambre et les ronflements, la nuit a été plutôt paisible. Je me lève assez tôt car la journée s’annonce longue (tient, j’ai comme une impression de déjà lu :laughing: ). Jusqu’ici la météo a été exceptionnelle. Il a fait un grand soleil depuis le début de ce trek, sauf une nuit où il a plu quelques gouttes (mais le lendemain matin le soleil était déjà revenu). En sortant de l’auberge ce matin, je constate que malheureusement ça ne devrait pas durer. Le ciel est très couvert et le vent devient de plus en plus fort. J’espère que la chance me poursuivra et que je pourrai passer au travers de cet orage. Mais par précaution je garde à portée de main mon K-way et le couvre-sac. L’objectif de la journée est d’attraper un bus à Vakkotavare à 25km d’ici à 15h20 (il n’y a qu’un bus le matin et un l’après-midi). Les 9km que je n’ai pas parcourus la veille n’arrangent pas du tout mon affaire. Je dois tenir une moyenne d’environ 4km/h, pauses comprises. Cela semble peu réaliste mais je relève le challenge.
La première partie de 9km jusqu’à la première étape Teusajaure n’est pas du tout roulable. Je ne pourrai donc pas compter sur le monocycle pour augmenter ma moyenne.
Cependant, avec quelques efforts pour maintenir une bonne allure, l’objectif est atteint, jusqu’ici le planning est respecté. Je n’ai subit que quelques mini averses ce matin, courtes et peu intenses, mais le vent continue de souffler. Pour continuer après Teusajaure je dois prendre une barque, ou me faire emmener par le gardien de l’auberge en bateau à moteur, pour traverser un lac sur 3km. Vu le timing serré de la journée (et un peu par fainéantise aussi) je me décide pour le bateau à moteur.
Je vais donc voir le gardien qui me dit qu’à cause du vent violent il refuse de traverser le lac. Il me déconseille également très fortement l’option traversée à la rame.
Je dois me rendre à l’évidence, l’objectif était au dessus de mes capacités. Je me résigne à revoir mon planning et décide, si la météo le permet, d’atteindre malgré tout le refuge de Vakkotavare ce soir. J’y passerai la nuit et prendrai le bus de demain matin. En attendant que le vent se calme je me réfugie dans l’auberge pour me préparer une soupe chinoise (avec plein de champignons lapons :slight_smile: ) bien chaude. Quelques minutes plus tard, deux Francfortois, Florian et Jürgen, entrent dans l’auberge pour attendre également de pouvoir traverser le lac.
Il faut que je vous explique le principe de la traversée à la rame : il y a 3 barques disponibles en tout, et la consigne est de laisser toujours au moins 1 barque sur chaque rive. La conséquence de cela est que s’il n’y a qu’une seule barque disponible sur la rive, il faudra la ramener, c’est à dire commencer par faire un trajet jusqu’à la rive d’en face, attacher une des barques sur la première puis ramener cette seconde barque jusqu’au point de départ. Après avoir déposé la seconde barque, on peut traverser le lac (pour la 3ème fois !) et continuer son chemin.
Par chance, il y a 2 barques disponibles de notre côté. Étant arrivés les premiers au refuge, nous pourrons prendre tous les 3 cette barque en priorité (3 personnes maximum autorisées par barque).
Nous devrons attendre environ 1h que les conditions de navigation soient devenues acceptables. Voyant, j’imagine, ma carrure impressionnante, les 2 Allemands préfèrent s’installer aux rames. Je m’installe donc à l’arrière et leur sers de GPS : « Tourner légèrement à droite », « Tout droit sur 2,5km », « Non, ça ne va pas du tout, plus à gauche ! » … Mes 2 Francfortois étant plutôt costaud la traversée ne durera qu’une trentaine de minutes et se déroulera sans encombre. Mais cela aura suffit à faire apparaître de jolies ampoules sur leur main. Chose amusante, j’étais le seul de nous 3 à porter des gants (pour le mono). Nous nous félicitons de cette victoire et continuons le chemin où 13km nous attendent encore.

Il faut grimper une colline afin d’atteindre un plateau, mais les mouches et moustiques sont bien décidés à me barrer la route. Les mouches mordeuses sont pires que les moustiques car beaucoup plus insistantes, et laissant des marques rouges sur la peau avec une espèce de poche de sang, qui gratte autant qu’un bouton de moustique et laissera une jolie petite cicatrice. La densité est encore pire qu’hier soir et je suis en sueur sous mon K-Way qui me protège des bestioles. Je dois pourtant me résigner à utiliser un pull en polaire comme écharpe pour pouvoir respirer sans risquer d’avaler ces protéines volantes. Mais finalement cela tombe bien car la pluie revient à l’assaut. Elle se fait de plus en plus en forte et une fois arrivé sur le plateau c’est même une énorme averse, comme j’en ai rarement vu, que je me prends avec un vent de face. Rapidement mon pantalon en coton, non imperméable, est trempé. Pendant plus de 8km, il n’y aura pas la moindre accalmie !!! Après quelques minutes seulement je sens les gouttes ruisseler sous mes protège-tibias et s’engouffrer dans mes chaussures (ironiquement parfaitement étanches !). Malheureusement, aucun espoir de pouvoir me poser à l’abri et vider mes chaussures : sur ce plateau à la végétation rase, pas un arbuste de plus de 30cm de haut n’est présent, pas une cabane en vue non plus. Je commence à avoir sérieusement froid malgré mes 2 pulls et le K-Way, et je risque de craquer si la pluie ne cesse pas bientôt. Pour me donner du courage, j’essaie d’imaginer comment la situation pourrait être pire. Ca y est mes nerfs lâchent, je rigole tout seul en pensant à mes conneries !
Lorsque le terrain s’y prête, l’idée même d’enfourcher mon mono m’épuise. Je continue donc à pied.
Sur les quelques franchissements de pierriers, chaque pas doit être bien assuré car les pierres sont extrêmement glissantes. Malgré toutes les précautions, je finis par chuter sur l’une d’elles et, en essayant de me rattraper, j’envoie valser mon mono qui vient se fracasser sur un bon gros rocher. Bilan : 1 rayon cassé et 1 autre sévèrement tordu. Cette journée continue comme elle a commencé …
Je recroise un peu plus loin mes rameurs alors qu’une accalmie apparaît. Nous faisons une pause pendant quelques minutes, je leur propose de partager un morceau de chocolat. Bien que n’aimant pas particulièrement le chocolat (surtout quand il faut l’acheter dans un refuge à 5€ la tablette), je trouve celui-ci délicieux. Tout semble être une question de moment dans la vie.
Nous devons repartir rapidement car de s’être arrêtés nous tremblons de froid.

J’irai jusqu’au bout de cette longue étape trempé, usé, frigorifié, et sans même le réconfort d’une douche bien chaude à l’arrivée. Le fait de ne pas avoir d’électricité alors qu’une ligne à haute tension passe au dessus du refuge est particulièrement frustrant.
Par précaution, j’avais prévu un jour supplémentaire dans mon planning, la journée de demain sera la journée de repos toute trouvée !
Demain matin, un parcours de 35km en bus m’attend. J’avais envisagé à un moment de rouler en mono sur cette route plutôt que de prendre le bus. Vu mon état il n’en est absolument plus question.

Une bonne surprise m’attend au refuge : la zone a une couverture GSM. J’en profite pour donner des signes de vie en France, chose que je n’avais pas pu faire depuis plus de 6 jours.

Durant la nuit, une véritable tempête s’abat au dehors. A 2h du matin, un objet tombe sur le refuge (un arbre ?) au point que tout a tremblé et que toute la chambrée s’est réveillé. Franchement pas rassuré, d’autant que je dors sur le lit superposé du haut, j’arrive néanmoins à retrouver le sommeil. Je ne saurai jamais ce qui est tombé sur le toit du refuge.

Terrible ! Les intempéries sont sûrement la choses la plus dur dans une étape comme celle-çi, surtout après avoir casser 1 rayon …

Dépèche toi d’écrire le reste pour voir ce qui est tombé sur l’auberge !! :wink:

Toujours très bon !

Vakkotavare, dimanche 15 août, 9h, jour 8 [photos]

Réveil difficile, très difficile même ce matin. Je marche au radar jusqu’au torrent pour aller chercher de l’eau pour me faire un thé. Réenfiler mes chaussures encore trempées de la veille me donne un sacré coup de déprime. Heureusement, cette journée sera une journée de repos. Je compte dessus pour que mes chevilles se refassent une santé. Sur les 40km au programme de la journée, pas un seul ne se fera à pied : 35km de bus puis 5km de bateau, à moteur !

J’arrive à émerger et vais me préparer pour attendre le bus. Il est à l’heure et me dépose juste à temps sur le pont d’embarquement pour le ferry. Je dis adieu à mes 2 rameurs qui vont continuer leur aventure un peu plus loin. A 12h, heure de départ du ferry, celui-ci est encore de l’autre côté de la rive. Un peu inquiet, je demande à un couple de Suédois si des infos m’auraient échappées. Il m’informe que, tout comme hier, le ferry ne peut pas naviguer avec un tel vent. Il a l’air habitué à cette situation alors je lui demande si ça risque de durer longtemps. Sa réponse sera « Oh yessss… ».
Je n’ai plus qu’à prendre mon mal en patience. Il fait un petit 8°C dehors, et le vent est froid et assez violent. Évidemment, il n’y pas un café où je pourrais me réfugier. Mon pantalon étant encore trempé, ce matin je suis en short. Autant dire que l’attente du ferry me paraît bien longue dans ces conditions. Je profite de ce temps pour changer les 2 rayons cassés la veille. Puis, étant vraiment frigorifié j’improvise une session trial en 29" sur quelques palettes entreposées près du quai.
1h30 plus tard, le bateau peut enfin naviguer. L’attente n’aura au final pas duré si longtemps que ça.

Une fois arrivé au refuge de l’autre côté du lac, je crois rêver : chambre individuelle avec chauffage électrique, prises électriques pour faire le plein des batteries (vous l’aurez compris, ici il y a l’électricité!), mais aussi des toilettes normales, je veux dire pas ces toilettes sèches où l’on s’assoit au dessus d’une fosse et que dès qu’il y a un peu de vent toutes les effluves d’ammoniaque et autres matières en décomposition remontent gentiment par le trou jusqu’aux narines, et surtout il y a des douches, chaudes, et avec un vrai robinet avec de l’eau qui coule !!!

Je fais ma lessive à l’eau chaude dans le lavabo, et la mets à sécher dans la torkrum, puis je vais me reposer une petite heure. Je profite de cette journée pour flanner, écrire mon récit de voyage qui avait pris un peu de retard ces derniers jours, me promener en monocycle sur le camp (mais pas très longtemps car si la tempête commence à se calmer, la température elle ne dépasse toujours pas les 8°C) et en profite pour prendre quelques photos sous une magnifique lumière. Le refuge est même équipé d’un restaurant avec plat du jour uniquement. Je vais y faire un tour mais n’arrivant pas à déchiffrer le menu en Suédois, je me rabats sur un plat maison de riz (aux champignons) et sauce tomate. Je m’installe dans un fauteuil moelleux pour déguster ce plat, en lisant un Picsou magazine de 1976, en Suédois s’il-vous-plaît ! Heureusement qu’il y a les images…
Dans les placards de « left food », nourriture laissée ici par les randonneurs ayant fini leur périple, je trouve un grand sac de flocons d’avoines. Celui-ci sera parfait pour les petits-déjeuners à venir.
Le gardien m’ayant parlé d’un sauna, je pars à la recherche de celui-ci parmi la quinzaine de cabanes du campement. Je ne le trouverai finalement pas. Tant pis, je vais directement à la douche sans passer par la case sauna. Désolé pour l’environnement, j’y resterai pas loin d’une heure …

Rien de mieux qu’une bonne grosse nuit pour achever cette si belle journée. Et Ô miracle, pas le moindre bruit dans la chambre ! Ah oui c’est vrai je suis tout seul :stuck_out_tongue:

En effet, je crois que j’aurais dû être plus prévoyant en équipement pour une telle météo. Pour alléger au maximum le sac à dos, je n’avais pas pris de veste chaude imperméable, seulement un K-way Décath sans doublure. Je m’attendais à un peu de pluie mais pas à de tes orages, et surtout je n’imaginais que la combinaison pluie/vent soit si difficile à supporter. J’ai finalement eu beaucoup de chance car normalement dans cette région 3 jours de suite de beau temps c’est vraiment rare. Sur mes 12 jours de trek, je n’aurai eu qu’une seule journée de pluie. Une trekeuse allemande rencontrée en chemin qui faisait le Kungsleden pour la 8ème fois m’a confirmé que jamais elle n’avait eu d’aussi bonnes conditions climatiques.

Pour ce qui est tombé sur l’auberge, j’en ai fait le tour le lendemain à la recherche d’indice mais je n’ai rien vu d’évident, pas de dégât apparent. Je suis à peu près convaincu que c’était un arbre et que le gardien l’a évacué pendant la nuit. Je ne vois pas d’autre hypothèse.

Saltoluokta, lundi 16 août, 9h, jour 9 [photos]

C’est avec regret que je dois quitter cet endroit tout confort.

Le matin avant de partir, je croise une demoiselle suédoise de l’association STF qui me dit (dans un français très correct!) que l’étape qui m’attend aujourd’hui et une partie de celle de demain devraient être très roulante, et que je devrais sans aucun doute me faire bien plaisir. Elle parle en connaissance de cause puisqu’elle a elle même fait le Kungsleden dans sa totalité en vélo (petite joueuse :wink: ). J’en ai l’eau à la bouche …
L’étape débute par une montée légère sur terrain sableux à travers la forêt, en théorie roulable mais remplie de hautes racines de sapin infranchissables. Dans d’autres circonstances, ce terrain aurait été un plaisir, mélange de muni et de trial, mais en 29" et avec 15kg sur le dos, je ne m’en sens pas capable. Après quelques minutes, la pente s’accentue et devient assez sévère. Ça commence plutôt mal pour une étape roulante… Je commence à me demander si les informations de la cycliste de la STF n’étaient pas un trait d’humour que je n’aurais pas compris…
Après environ 1h de montée, pris d’un doute sur ma position, je sors ma carte. Je suis en fait en train de suivre le tracé hivernal du Kungsleden. Environ 500m à travers une zone marécageuse et des buissons et je rejoins le bon chemin. Mais pour autant toujours pas chemin mono-idyllique en vue.

Après 1h30, je le vois enfin !!! Devant moi un chemin sableux, presque plat et relativement pauvre en cailloux. Je me lance sur cette piste et c’est un vrai régal ! On ne m’arrête plus. Je fais parfois près d’1km sans poser le pied par terre ! La performance est certes modeste mais après l’expérience de ces 8 derniers jours j’ai l’impression qu’1km est un exploit ! Le bonheur est total !

A la pause de midi, je m’installe sur le haut d’une colline pour profiter du léger vent qui chasse mouches et moustiques. Le ciel est d’un magnifique bleu et sans aucun nuage, ce sera définitivement une magnifique journée. Je croiserai même quelques rennes isolés qui se laissent approcher d’assez près.
Je roule plus de 70% des 21km qui me conduisent au refuge de Sitojaure où je passerai la nuit.
Malgré la longue distance parcourue en monocycle je ne subirai qu’une seule crevaison, juste avant d’arriver au refuge. Deux rustines (double crevaison typique d’un choc sur une pierre, et ce malgré le surgonflage du pneu) et c’est reparti.

Au refuge le gardien aux allures de pêcheur de la Suède profonde (très très profonde…) me dit qu’il aimerait bien faire une petite photo de mon monocycle et moi demain matin. Pas de raison de refuser.

L’étape du lendemain commencera par une traversée de lac de 4km. Je me promets de démarrer ma journée très tôt pour être sûr de pouvoir profiter de la seconde barque sans avoir à faire un aller-retour en rab.

Super récit !
Beaucoup d’émotion à le lire et à voir les photos, mêlé à de la jalousie et du respect ! :wink:
Les photos sont super belles, tu devais avoir le souffle coupé par le paysage à chaque minutes !
Vite, les trois derniers jours ! :slight_smile:

Merci pour ces encouragements.

En effet, au-delà du challenge du monocyle qui était ma motivation première pour entreprendre ce voyage, les paysages immenses et totalement vierges ont tenu toutes leurs promesses. Ils sont apaisants, déstressant, on s’y sent bien quoi. En raison de la position très près du pôle de la Laponie, la lumière y est une grande partie de la journée rasante, ce qui donne un aspect absolument fantastique, parfois presque irréel aux paysages.

Je vous conseille vraiment ce lieu, avec chaussures ou monocycle, au choix (voire hélicoptère pour les plus pressés ou l’hiver ski, raquettes, motoneige, chien de traîneau …).
Pour ma part j’aimerais beaucoup y retourner mais d’un autre côté je suis aussi très tenté par l’infinité d’autres endroits tout aussi extraordinaires à visiter.

Ca manque de photos là!.. :unamused:

Effectivement sa manque de photos à ce point, mais ont apprécient tellement mieux par ces propres yeux. :laughing:

En tout cas je ne dirais pas moins sur ce qu’à dit Arthur, un vrais challenge, que sa soit pour les jambes que pour les yeux !

Pour ma part si je le fais l’hiver, sa serais avec les chiens de traineau comme tu le dit ! :wink:

La Suite … !! :slight_smile:

Sitojaure, 17 août, 6h30, jour 10 [Photos]

Hé bien je dois dire que la journée de monocycle d’hier ne m’a pas laissé indemne. Mes paupières refusent de s’ouvrir lorsque j’entends le réveil. Mais après quelques minutes, quand je repense à la fabuleuse journée d‘hier, mes muscles engourdis se réveillent soudainement et me sortent du lit, impatients de retourner arpenter les pistes du Kungsleden.
J’ai partagé ma chambre avec 3 Suédois, un couple dans les 25 ans et le père de l’un d’eux. Ils sont ma foi très sympathiques et particulièrement discrets !
Ce matin, une grande première m’attend (peut-être!) : la traversée à la rame, et sans Allemands (peut-être!) cette fois-ci. Je me cuisine une bonne quantité de flocons d’avoine histoire de faire le plein de glucides pour toute la matinée.
Il est 8h30, je suis prêt à démarrer. Je me dirige vers le bateau quand, croisant la femme du gardien sortant de chez elle en T-shirt et petite culotte (Ahhhhhh la Suède …), je me rappelle ma promesse au gardien à propos de la photo. J’avertis Madame que je lève le camp et que c’est maintenant ou jamais pour la photo souvenir. Dans 2 minutes au pire une fois que le cliché sera pris, je reprendrai ma route. Ou pas … :confused:
Je regarde vers la porte m’attendant à voir le gardien-pêcheur sortir avec un petit appareil photo type compact. Mais au lieu de cela, le voilà qui sort avec un Nikon Réflex dernier cri, monté avec un objectif du même acabit. Il m’apprend qu’il est photographe professionnel … Ravale tes préjugés !
Il a l’air d’avoir une idée très précise de la photo qu’il veut. « Vas-y mets toi plus ici, oui là dans le soleil », « Non tourne toi, regarde moi, oui c’est bien », « Bien, à côté de ce panneau maintenant, oui, parfait! », « On refait la même mais sur le monocycle maintenant… ».
Je vous promets, ça fait très cliché (ah ahhh le jeu de mot à 2 balles! ) mais c’est authentique, je n’exagère même pas. Bon, après 10 bonnes minutes, la séance est finie. Il m’accompagne jusqu’au bateau pour m’expliquer les rudiments de la navigation à la rame. En chemin il me promets de m’envoyer les photos. Oh, mais attends, je veux une photo où on te voit dans le bateau avec le monocycle, là, attend, parfait … Et c’est reparti … Bref.

J’ai enfin réussi à me libérer de ce psychopathe du déclencheur ! Me voilà installé dans la barque, paré pour un trajet de 4km. Pas un pet de vent, pas de nuage, juste un peu frisquet, et le calme absolu … Que c’est bon d’être là, sur ce lac, entouré de montagnes. Je m’arrête régulièrement pour prendre quelques photos. Les reflets de paysages sur la surface de l’eau sont magnifiques.
1h plus tard, les 4km sont bouclés.
La partie terrestre n’est plus que de 9km, autant dire une promenade dominicale. Celle-ci commence par une bonne montée avant d’arriver sur un plateau où, Ô, miracle ! La même qu’hier, enfin presque. Peu de cailloux, peu de variations de hauteur et ce sur environ 4km. Quel bonheur, quelles sensations !
J’aurai même l’incroyable chance de monocycler en compagnie d’un troupeau de rennes qui court à une dizaine de mètres devant moi. Je le poursuivrai pendant environ 30 secondes avant de me faire distancer. Mais quel moment magique !

La suite de la rando après le plateau ne se prête plus au monocycle. Je retrouve des paysages plus boisés, des chemins plus étroits.
Il est 14h, et j’arrive au refuge, situé à 500-600m d’un lac. J’installe mes affaires et envisage d’aller lézarder le reste de l’après-midi sur une éventuelle plage le long de ce lac. Avant de partir j’emprunte une gamelle dans la cuisine du refuge afin d’y mettre les myrtilles que je ramasserai en chemin.
Je longe un sentier à travers une épaisse forêt qui semble mener au lac. Mais après un bon quart d’heure, celui-ci tourne et s’éloigne du lac. Fausse route… En rebroussant chemin j’aperçois sur le sol une étrange graine que je pense reconnaître. A peu près persuadé que ce sont des hjortron (en VO, ou cloud berries en anglais), petites baies jaunes à l’aspect d’une framboise, j’en ramasse quelques-unes, plus ou moins mûres car à vrai dire je ne sais pas trop comment reconnaître une hjortron mûre… Avant de goûter ces baies, je demande confirmation au gardien du refuge que je ne risque pas l’empoisonnement. Curieux ? Oui ! Courageux ?.. un peu … parfois. Le goût est assez unique, peu sucré mais avec un parfum très subtil. Ça se rapproche légèrement de l’abricot.

Avec tout ça je n’ai toujours pas trouvé ma plage. Tant pis, je renonce et retourne au refuge pour m’installer sur l’herbe avec mon bouquin, sous un agréable soleil qui ne me lâche plus.
Sur le camp, le gardien a installé une douche de fortune, mais relativement bien conçue, envoyant directement dans la pomme de douche l’eau de la source à quelques degrés. La sensation de froid est terrible, encore pire je crois que si je me baignais directement dans l’eau.
Cette nuit je partagerai ma chambre avec une quinquagénaire Munichoise (et oui, beaucoup d’Allemands sur le Kungsleden) qui, tout comme moi se fait un petit bout de Laponie en solitaire. Sauf qu’elle le fait pour la 8ème fois …

C’est juste qu’avec la buée sur l’objectif, la photo n’est pas très intéressante … :laughing: Non je déconne elle est pas de moi cette photo.

Ce qu’il y a c’est qu’outre les 2 demoiselles (Espagnoles d’ailleurs, même pas des Suédoises) il y avait dans le sauna 4 gros Suédois tout nus. Enfermé dans 10m² avec eux je me suis dit que c’était pas l’idée de l’année de prendre une photo…

Terrible!! :laughing: :laughing:

Vraiment superbe tes photos sur le Lac et des Rennes !

Encore 2 jours, Tient le coup ! :wink:

Aktse, 18 août, 9h, jour 11 [Photos]

Cette avant-dernière étape qui m’attend ce matin est aussi une des plus longues puisque 24km devront être parcourus pour rejoindre le refuge de Pårte (prononcer « porteu »).
Je me cuisine une énorme casserole de pudding dans lequel je rajoute les myrtilles ramassées hier et quelques cranberries confites. Très bon ma foi. Juste avant de vomir, je me décide à stopper ma boulimie et à garder le reste du pudding dans un sac zip pour un peu plus tard dans la journée.
L’étape commence par un passage sur planches impressionnant, pendant près de 15 minutes si on le parcourt à pied (moitié moins en mono car les planches sont rapprochées et le chemin en légère pente descendante = conditions optimales = aucune chute :exclamation:) qui m’amène directement au point d’embarquement pour une traversée de lac de 3km.
Lorsque j’arrive sur la berge, je vois une barque sur le lac, conduite par 3 rameurs. Trop tard pour moi, je vais devoir prendre le bateau à moteur, je ne me sens pas le courage de commencer ma journée par presque 10km de bateau, l’étape est déjà suffisamment longue comme ça. Il m’en coûtera 17€, pour à peine 10 minutes de trajet.

Malgré ce que j’avais pu voir du relief sur la carte, cette journée sera très peu roulable. Une grande partie du trajet est en zone boisée, et les quelques rares sections praticable sont très techniques, trop techniques même vu l’état de mes chevilles et de mes poignets…). Je trouverai néanmoins une portion de 2-3km sur le flanc de la colline au dessus du lac où je pourrai m’éclater avec mon mono sans trop de chutes.
Mais le paysage est toujours aussi époustouflant. Il n’a beau y avoir que du bleu et du vert partout, je ne m’en lasse pas.
Le midi je m’installe sur un rocher face à la vallée. Je resterai scotché devant le panorama pendant 1h30…

L’après-midi, je me battrai contre des armées de moustiques pour récolter quelques hjortron bien mûres. Et oui, ces baies ont la mauvaise idée de pousser dans les endroits très humides, même marécageux. J’ai de l’eau jusqu’aux chevilles. C’est que ça se mérite les hjortron ! :slight_smile:
Sur le bord du chemin, je croise les restes de ce que je pense être un renne. Mais la carcasse a été tellement bien nettoyée que je n’en suis pas certain.

J’arrive vers 19h au refuge, bien fatigué. Je commence à sentir l’accumulation de fatigue depuis le début de mon séjour. Je suis le plus heureux dans ce trek en solitaire au milieu de ces paysages fantastiques, c’est vrai, mais je dois bien avouer que mon petit confort, mon canapé, mes robinets, ma machine à laver, ma propre chambre, ma baignoire … commencent à me manquer sérieusement.
Ce soir je ne verrai personne, j’ai le refuge pour moi tout seul.
Je fais chauffer de l’eau pour me préparer un poulet au curry déshydraté. Je fais bien attention de faire systématiquement bouillir l’eau que j’utilise car celle-ci provient directement du lac et non d’une source non stagnante comme ça l’a été depuis le début de mon séjour. Je m’installe confortablement pour déguster mon poulet, pas dégueu ma foi, pendant que le feu dans le poêle me grille les pieds et me réchauffe entièrement. Il ne fait pas plus de 8°C dehors …
Quelques hjortron avec un peu de sucre en poudre pour le dessert, et voilà une bien agréable soirée …

Pårte, 19 août, 10h, jour 12(dernier jour :frowning:) [photos]

Hummm la bonne grosse nuit tranquille, avec même la fenêtre ouverte (derrière une moustiquaire bien entendu!) car le bouleau ça chauffe fort !
Ce matin, malgré l’heure tardive je prends bien mon temps. Je veux profiter de chaque instant dans cet environnement que je devrai bientôt quitter. Le petit déjeuner sera comme hier assez copieux, puis vient l’heure de ranger le refuge, un ptit coup de balais et me voilà dehors.
En bon petit apprenti-suédois, avant de partir je vais faire un tour dans la cabane à bûcheronner pour couper du bois pour remplacer celui que j’ai brûlé hier. Il y a tout le matériel nécessaire : des troncs de bouleau bien secs, une scie, un établi, une hache, et un balais pour ne laisser aucune trace de son passage. Pensent à tout et sont sacrément disciplinés les Vikings !
Le matin je croise la Munichoise rencontrée 2 jours plus tôt qui me dit qu’elle empruntera le même chemin que moi mais passera la nuit un peu plus loin que Kvikkjokk, afin de continuer son chemin pendant une semaine encore. Nous nous souhaitons donc bon vent pour la suite.

Je prends la route vers 11h30, celle-ci commence comme hier, à travers les bois. Le chemin est plutôt agréable mais également frustrant quand on doit pousser un monocycle. Après 3km le chemin devient beaucoup plus rocailleux. J’abdique. J’attache le mono sur mon sac à dos et continue à pied avec 23kg sur les épaules. Malgré ce poids et mon gabarit disons…léger, l’avance est plus rapide et régulière. De plus je peux davantage profiter du paysage car en franchissant les rochers sur le chemin je n’ai pas à m’occuper de la trajectoire du monocycle.
Je profite d’avoir les mains libres pour sortir mon appareil photo. Il y a depuis le début du séjour une population importante de hamsters dans les tons marron et noir, un peu les couleurs des écureuils Tic et Tac. Ceux-ci sont tellement rapides et froussards que jusqu’ici je n’ai pas réussi à les prendre en photo. Je me lance alors un challenge : réussir à en photographier un d’ici ce soir. Par la suite, j’apprendrai en regardant sur le net que ces hamsters sont des Lemmus Lemmus, aussi appelés Lemmings, qui ont la particularité d’avoir une population croissante jusqu’à ce que, étant en surnombre et donc à court de nourriture, ils migrent à travers la Laponie en colonies immenses et peuvent même traverser des lacs ou des torrents. Mais parfois ils ont les yeux plus grand que les pattes et ne parviennent pas de l’autre côté du lac, ils meurent noyés par millions, faisant penser à un suicide collectif. Bref, c’est couillon les Lemmings.
Après en avoir rencontré quelques-uns sur le chemin et les avoir manqués, je finis enfin par en prendre quelques-uns en photo. Challenge réussi !

Pendant la pause déjeuner, un couple de pic (que je n’ai pas réussi à identifier, avis aux détectives!) s’installe sur un vieux tronc à une vingtaine de mètres de moi et le martèle de coups de becs.

L’après-midi je me ferai rattraper par un Suédois dans la quarantaine avec une coiffure à la Angus MacGyver et son fils de 13-14 ans. Ils marchent relativement vite et comme ils ont envie de discuter avec moi, je dois m’efforcer de suivre le rythme. Nous parlerons de l’engin que je trimballe sur mon dos mais également (ne me demandez pas comment nous en sommes arrivés là) de l’éclatement de l’URSS et de tous les petits pays qui en naîtront. Curieux de mon périple qui s’achève, il me demande quelques détails sur le durée et la distance totale parcourue depuis Abisko. Quand je lui annonce 180km en 12 jours, je le vois cogiter, et il me dit, « Mouais, ça fait 15km par jour en moyenne. Aujourd’hui on a parcouru [thirty/thirteen] km avec mon fils, mais c’est peut-être un peu trop ». Je n’arrive pas à saisir la distance, 13 ou 30km, mais leur allure d’une part laissant supposer qu’ils sont encore frais, et la paire de Nike Air Max aux pieds du fiston d’autre part, me font interpréter cela comme 13km. Il reprend ensuite : « nous allons sûrement faire une rando sur plusieurs jours mais on essaiera de ne pas faire plus de 20km par jour ». C’était donc thirty qu’il fallait comprendre. 30km dans les pattes, et ils courent encore comme des cabris. Ils sont définitivement pas comme nous ces Suédois.
Après quelques kilomètres parcourus en leur compagnie, le père m’annonce en entendant le torrent qui se rapproche que nous sommes à 1 km, 2 maximum de Kvikkjokk. Je réalise soudain que ça y est, mon aventure se termine. Je prends un sacré coup au moral.
Ne pouvant me résoudre à franchir la ligne d’arrivée à pied, je décroche mon monocycle du sac à dos et tente, tant bien que mal sur ce terrain très accidenté, de rouler sur le dernier kilomètre. A peine quelques mètres et j’entends le désagréable bruit d’une fuite d’air. J’avoue ne pas comprendre comment elle est arrivée celle-là, je n’ai même pas roulé sur une pierre. Ce n’est pas grave, j’ai encore 2 rustines ! Je m’arrête pour réparer la chambre à air puis je me remets en route. Les 500 derniers mètres seront trop faciles, une route de gravillons et de sable, légèrement descendante et sans un seul rocher, apparemment empruntée par des véhicules. Je n’ai donc aucun mérite à franchir le porche de la station de Kvikkjokk sur le mono, mais le symbole est là, je m’en contenterai.
Dans la mini boutique de la station, je croiserai la Munichoise qui ne devait pas s’arrêter ici. Elle me dit qu’elle s’est détruit le genou et qu’elle va devoir s’arrêter au moins 2-3 jours ici avant de continuer. Ahhh les joies de la randonnée ! :laughing:

Le soir, je me fais une sortie en monocycle vers le village, à la recherche de la Kyrka (l’église) devant laquelle il est censé y avoir un arrêt de bus. Je préfère vérifier maintenant car si jamais je rate le bus demain matin, je n’ai aucune chance d’attraper mon train puis mon avion, et par conséquent aucune chance d’être au boulot lundi … Je le trouve, les horaires correspondent, je suis rassuré. Je retourne au refuge et vais m’installer dans un fauteuil Ikea (forcément) bien moelleux pour lire mon bouquin. Autour de moi, quelques canapés sont installés devant un écran géant sur lequel sont diffusées les infos. Mon retour à la vie civilisée vient de commencer… Une brève au journal parle de la France et de l’expulsion de Roms. Et bien, si c’est tout ce que les Suédois apprennent sur la France en regardant les infos, je vais me faire discret ce soir…

Le lendemain au petit déjeuner, je m’installe en face du seul occupant de la salle, un homme, Suédois, la soixantaine passée qui a partagé ma chambre cette nuit. Nous discutons un peu et il m’apprend qu’il commence son périple ce matin. Son trip à lui c’est de faire le Kungsleden mais sans emprunter le chemin, uniquement à travers les forêts, marécages, … Et bien entendu, sans ça ce ne serait pas drôle, en solitaire, dans une zone sans couverture GSM, et en totale autonomie pendant 15 jours, c’est-à-dire avec 32kg de matériel et de nourriture sur le dos… Il en veut le papy !!! Il a déjà tenté l’expérience pas mal de fois et au fur et à mesure qu’il me raconte ses aventures, je commence à comprendre son trip : en parcourant le Kungsleden offroad il a eu la chance de croiser à plusieurs occasions des élans, renards, … mais aussi une fois un ours, et il s’est également fait lacérer sa tente une nuit par un glouton en quête de nourriture…
En l’écoutant je réalise à quel point j’ai été un petit joueur …

Il est 8h20, le bus arrive à l’heure. Un long voyage de plus de 30h va me ramener chez moi et refermer définitivement cette parenthèse sauvage.

Dans le train de nuit qui me dépose à Stockholm au petit matin, je fais la connaissance d’un homme, un politicien (de gauche très à gauche d’après ce que j’ai pu comprendre) qui est passionné d’histoire. Il m’apprendra d’ailleurs quelques anécdotes de l’Histoire française…
Le samedi matin, je sors du train à 6h30. J’ai 1h30 à tuer avant mon prochain train pour Nyköping, la ville d’où je prendrai l’avion. Je vais me chercher un petit déjeuner dans la gare, un café et un kanelbule, genre de pain au raisin mais avec de la cannelle au lieu des raisins secs. Après un petit somme sur un banc de la gare je me dirige vers mon quai, le 11 d’après ce qui est indiqué sur les panneaux. En arrivant sur le quai n° 11 je constate que ce n’est plus ce qui est indiqué sur le panneau. Un coup de stress de courte durée puisque mon train m’attend en fait de l’autre côté du quai sur le n° 12A. Je vérifie plusieurs fois qu’il n’y a pas d’embrouille, puis repère ma place dans le train. Il est 7h45, le départ est prévu pour 8h00. J’ai la tête encore un peu en vrac quand le train démarre et que le quai s’éloigne. Je regarde ma montre et constate qu’il n’est que 7h54. Je me fais alors la réflexion qu’on a intérêt à être bien en avance pour prendre son train en Suède ! Puis, pris d’un doute, je me lève et cours voir le contrôleur pour me rassurer…
Ca devait bien arriver, je suis dans le mauvais train. :imp: Je panique un peu et demande à descendre sur le champ !!! Bien entendu, le contrôleur ne m’ouvre pas la porte, le train roule déjà à pleine vitesse. Il est 8h15, le train que j’aurais dû prendre met 55mn, la fermeture des portes de l’aéroport est à 10h40. J’ai encore un espoir de descendre au premier arrêt, de faire demi-tour et de prendre le prochain train vers Nyköping. Le contrôleur m’annonce, tout dépité que le train dans lequel je suis monté par erreur est un direct vers Pétaouchnok City, à environ 2h d’ici… Je suis maintenant complètement paniqué, des avions Nyköping-Vatry, il n’y en a qu’1 par semaine …
Le contrôleur, consciencieux, passe quelques coups de fil pour savoir s’il y avait des bus qui feraient l’affaire. Mais non, rien qui me conduirait à l’heure à l’aéroport. Dernier espoir d’avoir mon avion, prendre un taxi depuis Pétaouchnok (Eskilstuna pour les amateurs de géographie suédoise) jusqu’à Nyköping. En théorie en 1h c’est jouable. Je garde espoir. J’attends le prix de la course, en serrant les fesses. L’information tombe : 1800 couronnes, soit 200€ !!! Je réfléchis quelques minutes et, dépité, je me rends à l’évidence, cette solution est très certainement la moins coûteuse (enfin si l’on exclut l’option « ne pas se tromper de train à Stockholm! »). Au même moment, 2 femmes black viennent voir le contrôleur et j’arrive à comprendre que tout comme moi elles se sont planté de train !!! Bon, c’est une bonne nouvelle pour moi, on pourra au moins partager le taxi. Le contrôleur paraît embarrassé de ses 3 voyageurs dans le mauvais train. Il repasse quelques coups de fils et m’annonce « C’est bon, je t’ai réservé le taxi, il t’attend à Elskilstuna. Ça va se jouer à quelques minutes mais normalement tu devrais avoir ton avion. Je t’ai réservé le taxi [for free] ». Je cogite plusieurs secondes sur ces 2 derniers mots. Je lui demande de répéter pour être sûr. Il me confirme que c’est la SJ (la SNCF suédoise) qui prendra en charge le coût du taxi. Je suis à 2 doigts de me jeter aux pieds du contrôleur mais ma dignité (et surtout mes courbatures) me retiendront … Sans vouloir rentrer dans les clichés sur les agents de la SNCF, je mets au défi n’importe lequel d’entre eux de faire toutes ces démarches et surtout d’obtenir un taxi payé par la maison ! A ce niveau là je pense qu’on peut considérer ça comme du zèle !
Le trajet en taxi se déroulera très bien, un peu bourrin le chauffeur mais c’est pour la bonne cause. Je discuterai un peu avec les 2 femmes qui s’étaient aussi planté de train, elles parlent français :slight_smile: !

Cette fois c’est vraiment la fin. Je descends de l’avion, tout nostalgique, récupère mon monocycle et rentre chez moi tranquillement… L’aventure est complètement finie, je n’ai plus que mes souvenirs et mes photos pour la revivre un petit peu.
Ceci dit, le fait de vous avoir raconté mon séjour m’aura permis d’une certaine manière de vivre une seconde fois mon périple, mais la 2ème fois c’était beaucoup plus agréable, j’étais affalé dans mon canapé :wink:

Merci d’avoir suivi ce récit jusqu’au bout, et pour vos encouragements aussi. J’espère pouvoir revivre une telle expérience l’année prochaine et la partager de nouveau.

Super ton récit! Ca donne vraiment envie de le faire!
Merci de nous avoir fait partagé ton périple! :wink:

Cette dernière étape est super folle, j’adore !
Grand bravo, même si tu as confirmé mes craintes sur la « roulabilité monocycliste » du Kunds-machin :wink:

ps : j’ai déjà raté un train pour cause de mauvais affichage et me suis fait payer le taxi par la SCNF à minuit (c’était le dernier) pour une centaine d’€ :wink: