La flèche qui a pondu la citation qui a rebiffé notre héros au grand coeur et aux cuisses d’acier, c’est, euh…
c’est moi.
Bon, je me retrouve seul face à ce déluge de pétitionnistes. Je vais donc faire appel ici ou là à ma meilleure alliée,
la mauvaise foi.
Et pour commencer, voici un petit argument d’autorité qui j’en suis sûr, fera mouche auprès de cette smalah nourrie au bortsch et dont la couleur est devenue son idéologie :
« Et encore, faudra que les plus malins poussent les plus petits, parce que si y a un sport qu’est dur c’est le vélo.
C’est dur le vélo. Oh là là ! Qu’est-ce qu’il faut être con pour faire ça comme sport ! »
Vous l’avez compris, là, c’est pas de moi !
Alors on entend beaucoup de choses ! On entend que le 36 sur le bitume n’a rien à voir avec le vélo, parce que c’est plus dur, faut réussir à monter dessus. Bon ! Vous m’accorderez que celui qui fait la moitié de la rando à courir derrière sa monture, c’est pas du cyclisme qu’il fait, mais de la course à pied, donc çui-là, on l’oublie, y s’est trompé de forum ! Un de moins, un ! Y a çui qui prétend faire du rodéo sur sa monture dès qu’une côte a la bonne idée de s’éterniser. Vous le voyez le mec debout sur son 36", à vitesse nulle, le vent de face, en côte, les deux mains qui poussent sur la poignée de selle, qui se tord d’un côté, qui se tient à cloche-pied sur cette maudite pédale de devant qui refuse de s’enfoncer. Tout en finesse, vous me dites, c’est bien ça ?
Maintenant, honnêtement, vous le voyez comment notre sportif au milieu de sa côte ? Confiant dans l’effort, tout sourire, le visage en extase, l’âme transformée ? Non madame, moi j’vous l’dis : il est à deux doigts de pleurer comme une madeleine, il se remémore de toutes les fois où il a été nul, où il a été humilié, et il se bat désespérément pour qu’il n’y en ait pas une de plus, il se sent nul, seul, minable. Seule la hantise de revivre ses traumatismes de la prime-enfance le maintient en selle, mais quel supplice ; c’est pas vrai, elle s’arrête quand, cette côte ?
Quand j’entend Zip devant moi (ou derrière parfois, héhéhé !) qui déclame à gorge déployée tout son dictionnaire de charretier, c’est qu’il monte aux cieux, vous croyez ? Je n’aimerais pas être madame !
Bref, le 36", pas une souffrance ? Je parle du vrai 36", hein ! L’ennemi juré de l’altimètre et du chrono, on est d’accord ! Ceux qui parlent du 36" pour aller chercher le pain, c’est pas ça, là encore, ils se sont trompés de fil, on est d’accord ? Bref, le vrai 36", pas une souffrance ? Rien à voir avec le vélo ? Beaucoup plus technique ?
Faisons une petite comparaison. Zoomons si vous le voulez bien sur notre monocycliste, heureux comme un galérien, à deux doigts de s’écrouler au milieu de se côte, qui ne cesse de se répéter « Rappelle-toi Bibi, tout mon poids sur la pédale de devant, putain, sur la pédale de devant, cool avec la pédale de derrière, elle suivra toute seule ! ». Vous me soutenez que ce mec là, il n’aurait rien à voir avec le cycliste qui se dit « Rappelle-toi Bibi, les deux jambes travaillent, tu pousses avec l’une, tu tires avec l’autre, répartis l’effort, Bibi, répartis l’effort ! ». Eh ben je vais vous surprendre, mais de mon point de vue, c’est le même combat, la même technique grossière, quelque soit la côte, du début à la fin, les mêmes pensées lancinantes, le même challenge, le même combat psy, la même gestion de la douleur.
« Parce que les Belges et les Suisses c’est les deux seules races qui se rendent pas compte qu’en fait c’est pareil… »
Mais il y a tellement, tellement plus de plaisir au cross. Bien sûr qu’on en chie physiquement tout autant en cross, qu’on en revient fourbu, cassé, pareil, itou, voire plus. Mais la différence, bon sang, c’est qu’on ne la sent pas, la douleur, durant la balade ! Et ça, ça change tout ! Et pourquoi qu’on la sent pas la douleur ? Parce que le cross, c’est varié, c’est ludique, et c’est dans un cadre souvent plus sympa qu’un bord de canal ! En cross, y a pas deux côtes, y a pas deux descentes identiques, on est ultra concentré à la fois sur sa technique (autrement plus complexe et dynamique, qu’en 36", vous m’excuserez), on doit lire le terrain et prendre des décisions à chaque seconde, on doit anticiper. Y a rien de plus ludique ! Imaginez en comparaison le jeu vidéo basé simulant du vélo de route : bonjour l’angoisse ! (+1 pour moi, là, avouez !) Bref, en cross, t’es à mille lieux de psychoter sur le fait que tu vas tenir ou pas tenir, tu ne te bats pas simplement contre toi-même, y a une réelle interaction avec la forêt, le relief. En comparaison, imaginez l’interaction du pilote de 36" avec l’asphalte… Excusez-moi, mais je rejoins l’avis de Coluche : faut pas un Q.I. de 130 pour tenir la conversation avec le bitume. (+2 pour moi !)
En fait, y aurait guère qu’un point où je serais en désaccord avec lui :
« Parce que le temps qu’ils passent à courir, ils le passent pas à se demander pourquoi ils courent.
Alors après on s’étonne qu’ils soient aussi cons à l’arrivée qu’au départ ! Faut se mettre à leur place aussi hein ! »
Justement si ! Le coureur (ou le cycliste, le pilote de 36", tous ces mecs-là), à moins qu’il n’ait vraiment que de l’air dans le citron, il n’a que ça à foutre quand il court, se demander pourquoi il court. Et je persiste, la réponse, c’est qu’il prend inconsciemment sa revanche sur toutes les humiliations de son enfance. Ce n’est pas la gloire des hauts sommets qui tire notre homme et lui donne des ailes. Pour peu qu’il puise dans ses réserves, qu’il rencontre un peu d’adversité, c’est vraiment contre un complexe d’infériorité latent qu’il devra se battre tôt ou tard.
Mais bon, le tout venant passera par ici, lira en diagonal ou ne lira pas, mais se dira : on dit du mal du 36" ? Faut que je défende mon jouet. Et il prendra la parole : « Oh, non, c’est bien le 36 »,vraiment un sport à part !", une intervention costaude et bien argumentée. Je suis bien d’accord sur le fait que le 36" à petite dose, c’est grisant. Mais entre une sortie 60km le dimanche matin, retour avant 13h, et une sortie tout-terrain, mon choix est vite fait, c’est tout ce que je dis !!! D’ailleurs, ayant dit tout ce que j’avais à dire, je ne pense pas revenir à la charge, mais je lirai les différents témoignages avec intérêt.
M.O.U., help !